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La Fantaisie en ré mineur k397 (1782) de Mozart donne le ton. Empreinte à la fois de mélancolie, avec des côtés sombres et dramatiques, d'un dépouillement sonore dans certains passages, d'une tonalité mineure, elle sert d'ouverture à un programme astucieusement construit comme les aime Hélène Grimaud.
Le bien connu Concerto pour piano n°20 K466 (1785) contenant aussi des effets dramatiques et une mélancolie tant grâcieuse que fougueuse succède quasiment sans pause à la Fantaisie. Une réflexion sur le temps et le lien entre les compositeurs à travers les âges animent ce programme. En effet, ce sont ici les cadences (passages solistes virtuoses situés en fin du premier et du troisième mouvement du concerto) que Beethoven écrivit en 1809 pour ce concerto qu'Hélène Grimaud reprend. Le livret de l'album nous rappelle que Beethoven estimait fortement cette œuvre de Mozart et que, pour ces deux compositeurs, la tonalité mineure "évoquait une confrontation avec le destin ou la fatalité". Hélène Grimaud donne une interprétation passionnée du concerto, s'emporte, se déchaîne, laisse libre cours à sa personnalité exaltée, en faisant une œuvre nerveuse, presque torturée, à tel point que l'orchestre est presque à la peine face à l'interprétation de caractère qu'en fait la pianiste. Elle s'en explique : "Derrière la façade d'aisance naturelle, la musique de Mozart cache une profonde instabilité, une absence flagrante qui confine à l'hystérie -un besoin d'amour continuel, incohérent, douloureux (...)". La pianiste apporte une vision intéressante de la musique de Mozart plus viscérale, à fleur de peau, exacerbant les tensions et les tourments intérieurs à l'image d'un compositeur de l'époque romantique. Certains apprécieront, d'autres pas...
L'autre Fantaisie du programme, en do mineur K475 (1785), plus ample que la première, termine l'épisode mozartien avec sa délicatesse bercée de tendres couleurs automnales. Des accents dramatiques bousculent le discours mettant à l'épreuve un lyrisme tendre et gracieux, en proie au doute, finalement triomphant avec fougue, sorte de combat musical entre les ténèbres intérieures et la lumière.
Comme un écho lointain du passé, la musique du compositeur du XVIIIème siècle est l'âme de la pièce vaporeuse et onirique The Messenger (1996) de l'Ukrainien Valentin Silvestrov (1937), sorte de rêve insaisissable. L'œuvre est reprise en version piano seul à la fin de l'album. C'est une sensation de douceur et de détente qui caractérise les pièces composant les Deux dialogues avec post-scriptum. La Valse nuptiale est construite autour d'un thème de Schubert, le Postlude autour de Wagner. "Ma musique est une réponse et un écho à ce qui existe déjà" déclare Silvestrov. Est-ce pour cela qu'elle ne nous laisse pas un souvenir impérissable ? Elle nous apporte néanmoins un apaisement certain et est imprégnée d’une beauté touchante.
Voilà un programme à l'image de la pianiste, original, inédit, intrigant, qui questionne et porte un regard différent sur la musique, son rapport au temps et à l'interprétation. Intéressant !
Paru le 2 octobre 2020 - Rayon Musique classique
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